Muret 12 septembre 2013
Il est tout à fait légitime que les occitanistes s’interrogent sur ce qui aurait pu se passer en termes de géopolitique si les troupes coalisées occitanes, catalanes et aragonaises avaient vaincu l’armée des Français à Muret le 12 septembre 1213. Il ne faut pas compter sur l’Éducation nationale de la République française pour que les programmes d’histoire soulèvent cette question. L’enseignement de l’histoire reflète une idéologie négationniste qui promeut une France éternelle et incréée et ne peut concevoir qu’un unique peuple français comme acteur de l’histoire. Il est donc du devoir de toutes les forces occitanes, politiques et culturelles d’essayer de percer cette épaisse muraille d’aliénation ethnique qui a depuis huit siècles progressivement dépossédé les Occitans de leurs terres et surtout de leur identité et de leur langue pour en faire soit des citoyens français de seconde zone soit des zélateurs de l’impérialisme français. Oui, il est capital que les Occitans apprennent leur histoire sinon comment sauront-ils que leurs ancêtres n’étaient pas français et le sont devenus de force ou en volant au secours des vainqueurs ? Comment leur expliquer qu’en dépit de leur carte d’identité ou leur passeport, ils sont certes administrativement citoyens français mais de nationalité occitane et peuvent être demain citoyens d’un Etat occitan seul capable de faire enseigner à tous les Occitans leur véritable histoire sans la mythifier comme l’a été l’histoire de France. Il y a eu depuis le 13ème siècle en Occitanie des patriotes occitans et des collaborateurs des Français et de leur idéologie assimilatrice. Il est certain que la création d’un État occitano-catalan aurait changé la face de l’Europe mais elle aurait été tout autant changée si le Béarn était resté indépendant ou l’Aquitaine un protectorat anglais. Refaire l’histoire de ce qui aurait pu être n’est utile que si les nationalistes indépendantistes occitans en tirent des leçons pour préparer un avenir au peuple occitan.
L’Occitanie qui aurait pu se créer au Moyen Age est morte de ses divisions profondes, de son esprit de clocher, de son incapacité à faire front commun contre l’ennemi principal : l’expansionnisme français. Aujourd’hui, au XXIème siècle, nous retrouvons ces divisions dans le microcosme du mouvement occitan : divisions entre occitanistes culturels et politiques, entre occitanistes et provençalistes, entre autonomistes et indépendantistes pour n’en citer que quelques-unes. Il va sans dire que ces divergences sont inconnues de la masse du peuple occitan et quand, fait rarissime, elles le sont, elles l’indiffèrent. Si on raisonne en termes de batailles perdues ou gagnées, on peut dire en étant optimiste que la bataille de la prise de conscience nationale du peuple occitan reste à gagner. Pour se mettre en mesure de la gagner, il n’y a pas d’autre issue que la conquête du pouvoir politique chez nous. Elle sera, à n’en pas douter, excessivement longue et semée d’embûches. Seuls, nos descendants en recueilleront éventuellement les fruits. Il est peu stimulant et gratifiant de travailler pour les générations futures. Cela demande de l’humilité et de l’abnégation. Mais il est quand même possible d’obtenir des résultats concrets de notre vivant. Pour la première fois depuis longtemps dans l’histoire du mouvement occitan, le mouvement « Bastir » dépasse les partis politiques, sans les abolir, les clans et les chapelles et a l’ambition d’ancrer l’occitanisme dans le paysage politique en présentant des dizaines de candidats aux municipales de mars 2014. Combien seront élus et capable de créer un réseau ? Nous verrons bien. Cela vaut la peine d’essayer car nous ne serons pris au sérieux et nous ne serons incontournables que si nous devenons une véritable force politique ayant pignon sur rue. Alors commémorer Muret en déposant une gerbe est-ce inutile ? Non car nous avons un devoir de mémoire vis-à-vis de nos ancêtres même si nous déplorons leurs erreurs et leurs divisions. Cela n’est nullement incompatible avec une démarche politique aujourd’hui pour préparer demain un État occitan indépendant. La France n’est qu’une création récente. Elle n’a rien d’indivisible et d’éternel. Ces adjectifs n’ont aucun sens sur le plan historique. Les empires réputés inébranlables se sont tous effondrés. Il pourra un jour être mis un terme à la mainmise française sur les Occitans, les Catalans, les Basques, les Bretons, les Corses, les Flamands et les Alsaciens. C’est inéluctable : les peuples colonisés, niés dans leur existence même, finissent par relever la tête.
Jean-Pierre Hilaire, coprésident du Parti de la Nation Occitane
9 septembre 2013
Muret, 1213-2013...